Qui se cachent derrière le nom des salles de cours de l’ENM ?

Bley, Joplin, Magny, Boulanger, Duhamel, etc. ce sont des noms que vous voyez tous les jours quand vous venez en cours à l'ENM. Mais savez-vous vraiment qui sont ces artistes dont le nom est inscrit sur chaque porte de nos 60 salles de cours ?
Tout au long de l'année, nous vous ferons découvrir, ou seulement connaître davantage, des femmes, des hommes, qui ont compté dans l'Histoire de la musique.

14 Déc

École

Premier épisode : Charles Ives (1874 – 1954)

Située dans le bâtiment A au 2e étage, la salle Ives (salle A2-02) voit passer de nombreux élèves violonistes et contrebassistes tout au long de l’année. Mais savez-vous qui était Charles Ives ? Sauriez-vous citer une de ses œuvres ?

Portrait du » prophète de la Nouvelle-Angleterre »

Après avoir appris la musique avec son père, adepte lui-même d’expériences sonores inédites, Charles Ives se perfectionne à Yale avec Horatio Parker. A la fin de ses études, il entreprend une brillante carrière… dans les assurances ! Pour être un compositeur libre d’expérimenter, mieux vaut selon Ives se tenir à l’écart de la frilosité du milieu musical.

Très tôt, Ives a été curieux des techniques expérimentales permettant d’affranchir la musique des règles conventionnelles et du goût européen, manière pour lui de renouer avec la liberté des pionniers américains de la musique. Polytonalité, allusions rythmiques et harmoniques au ragtime et au jazz, exploration des modes de jeux… la musique d’Ives, même s’il ne faut pas la résumer à ses innovations, étonne par sa complexité – une complexité toujours ludique, loin des calculs de tableau noir. Elle assimile aussi le folklore et les thèmes populaires américains.

Le catalogue d’Ives, imposant pour le « compositeur du dimanche » auquel on l’a parfois réduit, compte, entre autres, cinq symphonies et diverses pièces d’orchestre, trois sonates et des études pour piano, deux quatuors à cordes. Les œuvres d’Ives distillent lyrisme et poésie, même si elles juxtaposent des matériaux hétérogènes et tendent à une cacophonie organisée. Ses pièces emblématiques sont Central Park in the Dark, de 1906 et The Unanwsered Question en 1908. La première évoque les bruits de la ville, parmi lesquels un lointain écho de jazz, entendus depuis la nature, la deuxième met en scène d’étranges appels de trompette sur un taps de cordes que perturbent quatre flûtes. La dimension métaphysique de cette « question sans réponse » annonce la 4e Symphonie, l’une des dernières productions du musicien, touffue et synthétisant l’essentiel de ses recherches.

Reconnu comme un créateur majeur seulement au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, il n’eut par conséquent qu’une influence tardive, et aucun véritable disciple, même si beaucoup, tels Henry Cowell ou Elliott Carter, se sont réclamés de sa modernité prophétique. John Adams lui rendra hommage dans My Father Knew Charles Ives, aux harmonies mystérieuses dérivant vers la cacophonie et la musique de fanfare.

Source : Les symphonies du Nouveau Monde, la musique aux Etats-Unis de Nicolas Southon
Edition Fayard/Mirare – 2014

Quelques vidéos de ses œuvres majeures :

Variations sur America de Charles Ives
Orchestration: William Schuman. Wheaton College Symphony Orchestra – direction : Daniel Sommerville

The Unanswered Question de Charles Ives
New York Philharmonic – Direction : Leonard Bernstein